La Donneuse
Voilà comment je me vois, telle une donneuse. Me perçoit-on réellement comme cela ? J’ai cette impression de n’être plus qu’une machine à donner, donner de mon temps, donner de ma personne, de par mon écoute, ma disponibilité, de par mon empathie. Je n’ai, pourtant, parfois pas toujours envie, mais je ne sais faire autrement. Lorsque quelqu’un de mon entourage se présente à moi je ne vois que lui et ce dont je pourrais faire pour lui et je m’oublie…
Je ne suis plus qu’une machine à faire, à faire plaisir, à rendre service, à soulager, à porter toutes les misères, tous les soucis de la terre entière. Tout le monde se tourne vers moi comme si j’étais la solution, comme si je pouvais tout. Je les laisse penser cela malgré moi, alors que c’est faux. Je ne sais juste pas dire « non ». Alors pourquoi n’y arrive-je pas ? Peut être la crainte de déplaire, de décevoir, la crainte de lire en l’autre des sentiments négatifs envers moi, comme si on ne m’aimerait pas si je n’étais pas comme cela.
Je me dis souvent que si je ne le fais pas qui le fera ? Je sais que quelque part je me sacrifie pour ceux qui n’y arrivent pas. Je pense à tout ceux qui n’ont pas eu la chance, un jour, d’être entendu dans leur souffrance, tout comme je l’ai été dans mon enfance. Alors je suis cette oreille que j’aurai tant aimé trouver. Cette oreille qui se penche sur moi, pour entendre et comprendre et me soutenir. J’ai grandi en pensant que je ne devais pas déranger, ennuyer mes proches, pour ne pas les contrarier. J’ai grandi en pensant que mes soucis, mes inquiétudes d’enfant, d’adolescente, de femme puis de mère, je ne devais les résoudre que par moi-même, que je devais prendre sur moi, que je devais refouler en moi mes peurs, ma colère, ma tristesse.
Aujourd’hui, j’aimerai me libérer de tout ce que j’ai porté en moi, les peurs de ma mère, la souffrance du père de mes enfants, le malheur des enfants que j’accompagne au quotidien dans mon métier, les craintes de celui que j’aime. Aujourd’hui, j’aimerai retrouver ma confiance, ma force en l’avenir, et ne plus me laisser envahir de tous les maux des autres…
Oser leur dire « non » quand je sens ma limite atteinte, quand je sens que la personne à qui je dois penser d’abord c’est moi. Et ne plus craindre de ne pas être aimé, de demander, d’oser faire appel à quelqu’un quand je me sens en difficulté.
Le fond de mon problème est bien là, me permettre de demander, me permettre de renoncer à ce qui m’est demandé.